Reconnu pour son flair et sa rigueur scientifique, Gilles Perrault s’est imposé comme l’expert capable de déjouer les faussaires. Sollicité par collectionneurs, commissaires-priseurs et assureurs, il allie analyses techniques et intuition historique pour identifier les contrefaçons, en particulier dans l’univers des bronzes de Rodin ou de Giacometti. Entre vigilance, méthode et passion, son travail illustre combien l’expertise moderne est devenue un combat permanent contre la fraude artistique.
Gilles Perrault : L’expert qui déjoue les faussaires
Les visiteurs de Gilles Perrault arrivent généralement tremblants, serrant contre eux une toile ou une sculpture – un trésor de famille – emmailloté avec soin. Forcément, ce nu langoureux est signé Renoir ou Rodin, ils y croient dur comme fer. La plupart du temps, ils repartent dépités, leurs rêves brisés. « Le premier rendez-vous est généralement gratuit. S’il faut poursuivre les recherches, je fais un devis », explique Gilles Perrault. Ce quinquagénaire sémillant est aujourd’hui l’un des experts les plus réputés des œuvres de Rodin, Camille Claudel ou Giacometti, un spécialiste particulièrement recherché par les tribunaux de la planète, alors que les accusations de faux art pullulent. « 80 % des pièces que j’expertise dans mon laboratoire se révèlent être des faux », assure-t-il.
C’est au début des années 80 que ce sculpteur – chef d’atelier au musée du Louvre, puis restaurateur au musée de Versailles – quitte l’administration pour créer son laboratoire d’analyses. Il débute dans la dendrochronologie (la datation du bois par l’étude des cernes annuels), puis se passionne pour la technologie. Il investit alors dans des outils de plus en plus sophistiqués, capables de révéler la moindre erreur du faussaire.
Mais s’il a du flair et de la technique, Gilles Perrault a aussi des valeurs.
« Je refuse catégoriquement toutes les expertises pour le compte de commissaires-priseurs ou de compagnies d’assurances. Trop de risques de conflits d’intérêts », explique-t-il.
Nommé il y a quelques années à la commission d’admission des experts judiciaires, il a contribué à faire tomber ce qu’il appelle la mafia des dynasties d’antiquaires. « Il fallait faire entrer dans ce monde fermé des historiens d’art, des restaurateurs, des scientifiques. »
Aujourd’hui, l’expertise ne l’occupe plus que la moitié de son temps. L’autre est dédiée à la réalisation… de copies. Il dirige à Carrare, en Italie, la fabrication d’une copie des sculptures du bassin d’Apollon, l’une des fontaines du château de Versailles. Une commande de plusieurs millions d’euros d’un riche Taïwanais qui ouvrira en 2015 le plus grand musée d’art occidental en Asie.