Dès la Renaissance, par souci esthétique et plastique, le bois n’est pas traité en polychromie mais souvent laissé apparent. Pour mieux mettre en valeur sa texture, mais aussi pour le protéger, sculpteurs, ébénistes, menuisiers français utilisent depuis le Moyen Âge diverses techniques de finitions ; des plus traditionnelles aux plus récentes, leur connaissance est essentielle pour comprendre le travail du bois et aborder les œuvres.
Gilles Perrault
Les bois indigènes sont généralement de coloration claire et d’aspect mat à l’état naturel, comme le chêne, le hêtre ou le tilleul.
Les bois exotiques possèdent des essences colorées d’aspect varié, comme l’acajou, le bois de rose, de violette et d’ébène pour ne citer que les principaux.
L’usage des « Bois des Isles » se remarque dans le mobilier français à partir du XVIᵉ siècle sous la forme de fines plaquettes découpées et collées dans des évidements pratiqués dans le bois indigène massif : c’est la technique de la marqueterie « in tarsia » (cf. Pierre Ramond, La marqueterie, Éd. H. Vial, Dourdan, 91410).
Puis la marqueterie recouvre le meuble en entier et apparaît le cabinet d’ébène dont « les menuisiers d’ébènes », placés sous la protection de Henri IV au palais du Louvre, devinrent les ébénistes.
Cette essence dure et noire par excellence était laissée en bois apparent poli et ciré, alors que les travaux réalisés dans des bois indigènes, jugés trop communs, à l’exception du noyer, du cormier, du poirier et du buis, étaient masqués par des dorures ou des polychromies.
La mise en couleur des sculptures sur bois subit son premier recul dès la Renaissance. Les humanistes d’alors s’enthousiasmèrent de la pureté des lignes antiques ignorant toute trace de polychromie.
La plastique devint le souci primordial des sculpteurs comme Germain Pilon et Jean Goujon, qui ne tardèrent pas à se réfugier dans le marbre (fontaine des Saints-Innocents, Musée Carnavalet à Paris). Mais le bois non protégé s’encrasse au premier contact avec les doigts et se ternit en surface (oxydation avec le tanin). Aussi s’avère-t-il nécessaire, soit de masquer les surfaces avec des produits opaques et relativement épais, soit de vernir les surfaces pour les embellir et les protéger en même temps.
Les finitions utilisées sur le bois sont donc de deux sortes : la première qui laisse la texture de l’essence apparente, la seconde qui masque totalement le bois.
Le premier cas regroupe les finitions polies, cirées et vernies en bois naturel ou teinté. Le second comprend les polychromies aqueuses, huileuses et les recouvrements de feuilles métalliques, le plus souvent appliqués sur un enduit « tampon »
LES FINITIONS POLIES
Le polissage s’effectue généralement au touret avec un disque de feutrine enduit de cire d’abeille ; mais seuls les bois denses se prêtent à cette technique, comme l’ébène et le buis.
Les bois mi-durs à tendres sont trop poreux.
Une technique particulière est appliquée par les faussaires et les restaurateurs pour retrouver l’aspect des bois anciens. C’est le polissage à l’aide d’un brunissoir en bois dur. Nous savons tous, par expérience, que l’usage adoucit les arêtes et polit les surfaces, même les bois mi-durs comme le hêtre et le chêne.
Aussi cet effet se reproduit-il par le frottement d’un tasseau.
LES FINITIONS CIRÉES
Il existe trois sortes de cires : les cires animales, les cires végétales et les cires minérales.
Les cires animales
La cire animale dont on se sert communément est la cire d’abeille.
Il existe également trois autres cires animales qui sont : la chinoise (dure), sécrétée par des insectes « coccus cerifervus » ; la spermaceti qui provient du crâne des cétacés ; la lanoline qui se trouve dans les toisons de moutons.
La cire d’abeille est extraite des alvéoles contenues dans les ruches. Les plaques sont débarrassées du miel, nettoyées à l’eau chaude puis fondues et coulées en pains.
Cette cire est jaune et peut être blanchie soit par une exposition prolongée au soleil, soit par trempage dans de l’eau oxygénée.
La cire blanche est assez coûteuse, aussi doit-on se méfier des adjuvants de bas prix comme le suif, le blanc de baleine ou la paraffine.
Les cires végétales
Les cires végétales sont d’un coût relativement élevé, ce qui diminue leur emploi. La cire de Carnauba qui provient du Brésil s’utilise mélangée à la cire animale pour accentuer sa brillance (environ 10 %). Elle est livrée en pain ou en paillettes et se dissout à chaud (point de fusion à 83/91 °C).
Elle est extraite de feuilles séchées d’un palmier brésilien le Copernicia prunifera.
Elle ne peut être utilisée seule car elle est trop dure et trop cassante.
La cire de candelilla est aussi recherchée car elle augmente la dureté des cires animales mais confère moins de brillant que la cire précédente. Elle provient d’une sorte de roseau Euphorbia Cerifera qu’on trouve au Mexique et au Texas.
Les cires minérales
Les cires minérales sont appelées couramment ozokérite, montan et cérésine. Elles sont issues de sous-produit du pétrole.
Vendues sous la forme de pains elles peuvent se confondre avec la cire d’abeille vierge mais n’en possèdent pas les qualités.
La cérésine qui est de l’ozokérite purifiée remplace la cire animale dans la composition des encaustiques (20 % de cérésine, 70 % de paraffine, 10 % de colophane).
Les paraffines et les cires microcristallines proviennent également du pétrole. Les premières sont séparées par distillation tandis que les secondes nécessitent d’abord une décomposition du pétrole avant d’être distillées.
Les quatre exemples suivants illustrent d’une manière évidente les qualités des essences denses et homogènes, dont la texture permet à l’artiste les mêmes prouesses techniques que dans l’ivoire :
LES ENCAUSTIQUES
Les encaustiques répondent à des besoins précis : leurs composants varient selon le coût et l’effet recherchés. Elles se teintent parfaitement avec des terres ou des colorants de type aniline ou gras.
Les différentes sortes
Nous distinguons trois sortes d’encaustique : l’encaustique à l’essence de térébenthine, l’encaustique à l’essence minérale et l’encaustique à l’eau.
L’encaustique à l’essence de térébenthine est la plus courante. Elle se prépare en faisant fondre le pain de cire d’abeille à l’aide d’un vieux fer à repasser ou d’une spatule chauffante, au-dessus d’un récipient contenant l’essence de térébenthine. Le mélange est activé avec un agitateur en se gardant de mettre le feu au liquide. Les adjuvants sont ensuite ajoutés comme de la paraffine, du sel de tartre et les teintes.
L’encaustique à l’essence minérale est peu employée en ébénisterie et en sculpture sur bois. Son solvant reste de loin moins souple que l’essence de térébenthine, mais elle ne poisse pas comme cette dernière. L’encaustique à l’eau a la faculté de travailler le bois, les pores se lèvent et le tanin apparaît à la surface. Ceci peut être considéré comme un avantage ou un inconvénient selon l’effet escompté. Il entre en général dans sa composition : 150 g de cire, 800 g de savon blanc et 50 g de carbonate de potasse pour un litre d’eau déminéralisée, ou : 100 g de cire et 50 g de potasse pour un litre d’eau déminéralisée.
Applications et emplois
Les cires et encaustiques s’appliquent au chiffon ou au pinceau. Après séchage les molécules sont rapprochées et « soudées » par le lustrage. La surface du bois prend alors une couleur dorée et semble polie. Cet aspect peut être amplifié par un bouche-porage préalable à l’alcool et à la pierre ponce, comme dans la technique du vernis tampon.
L’avantage principal de la cire d’abeille est qu’elle laisse « respirer » le bois tout en obstruant ses anfractuosités. L’humidité contenue dans l’air, ou dans le bois, peut librement circuler sans susciter l’apparition de moisissures.
LES VERNIS SUR BOIS
Les vernis se composent d’une résine transparente, d’un solvant et d’adjuvants comme des assouplissants, des durcifiants, etc. Ils s’appliquent à l’état liquide, au pinceau, au pistolet ou au tampon.
Au contact de l’air les solvants s’évaporent provoquant le durcissement de la résine qui forme un film transparent, solide, donc protecteur et uniforme.
Les vernis conservent le ton naturel du bois, ou le modifient, pour obtenir des effets spéciaux. Une résine stable et translucide sera préférée dans le premier cas, alors que dans le second on se contentera d’une résine opaque.
La coloration artificielle étant donnée par des décoctions ou des poudres.
Les résines
Deux sortes de résines sont utilisées sur le bois : les naturelles et les synthétiques.
Les résines naturelles employées presque exclusivement jusqu’à la Seconde Guerre mondiale sont délaissées aujourd’hui au profit des synthétiques dont l’approvisionnement ne pose aucun problème, ainsi que le suivi de la qualité.
Quoique les fabricants se permettent parfois de modifier les composants sans avertir les clients.
Je citerai par exemple la mixtion à l’huile de chez Lefranc Bourgeois qui, il y a encore une dizaine d’années, était fabriquée avec des composants traditionnels, et qui aujourd’hui n’est plus qu’un vernis gras, mais dont le flaconnage, l’étiquette et l’appellation sont restés inchangés.
En règle générale les résines naturelles s’appliquent en très fines couches alors que les résines synthétiques s’appliquent en couches épaisses.
Les premières offrent des vernis denses et transparents, souvent même réversibles, alors que les secondes procurent des vernis plus opaques, imperméables et généralement irréversibles.
Les résines naturelles sont pour la plupart des terpènes sécrétées par des végétaux. Elles forment des mélanges solides utilisés en vernis, ou liquides comme les essences de térébenthine.
L’essence de térébenthine est extraite des pins, l’essence d’aspic des fleurs de lavande spica, l’essence de Venise du cœur du tronc d’un mélèze d’Europe centrale le Larix Decidua, l’essence de Strasbourg du sapin des Vosges, de Bordeaux du pin maritime, du Jura du pin sauge…
Principales résines naturelles
Les principales résines naturelles utilisées en vernis sur bois sont : la copal, la dammar, l’élémí, le mastic, la sandragon et la gomme laque. Elles sont employées diluées dans un solvant seules, ou mélangées selon leurs propriétés.
Les résines copals, d’origines très diverses, entrent dans la composition des vernis maigres à gras. Les copals de Zanzibar et de Madagascar sont les plus recherchés car elles donnent des films très durs et brillants.
Le vernis s’applique au pinceau doux.
Il est particulièrement employé pour les objets de tabletterie et les instruments de musique.
Les résines dammars sont extraites des angiospermes des îles indonésiennes.
Utilisées couramment comme vernis à tableau en raison de leur faible jaunissement à la lumière, elles se marient également à la cire d’abeille pour restaurer les soulèvements de polychromie (technique de fixation à la cire-résine).
La résine dammar, dont le résidu cireux est extrait à l’alcool, peut se mélanger avec l’essence de térébenthine pour obtenir le fameux « vernis cristal ».
L’élémí entre comme plastifiant dans les vernis à l’alcool. Elle augmente l’adhérence et le brillant mais diminue la dureté.
La résine mastic est un succédané de la dammar. Elle en possède les mêmes avantages à l’exception près qu’elle offre un vernis moins dur.
Elle est extraite du Pistacia Lentiseus qui croît sur les côtes méditerranéennes et plus principalement sur l’île de Chios.
L’ambre est une résine fossile fréquemment utilisée dans les vernis anciens. Comme pour les copals, l’ambre nécessite une pyrognation préalable pour se mélanger aux huiles du vernis. Son prix excessif, en raison de ses qualités, fait qu’elle n’est plus utilisée actuellement.
La résine sandragon est une sécrétion extraite soit des fruits d’un palmier, soit de liliacée. De couleur rouge, elle peut être confondue avec la gomme Kino qui ne possède pas les mêmes propriétés.
Elle est d’usage courant en ébénisterie pour colorer les vernis.
La gomme laque est produite par un insecte de la famille des coccidés en Inde (cochenille). La femelle produit jusqu’à 150 mg de résine pendant la période de gestation.
Son utilisation dans les vernis d’ébénisterie date du milieu du XVIIᵉ siècle, mais c’est surtout aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles qu’elle devint célèbre avec le « vernis en tampon ».
Livrée en paillettes (shellac), ou en goutte Button Lac, de trois colorations différentes, transparente, claire et foncée, la gomme laque se dissout dans l’alcool.
Elle contient à l’état naturel environ 5 % de cire qu’il convient d’éliminer, soit par chauffage, soit par précipitation pour obtenir la qualité transparente.
Le soin apporté au nettoyage de la résine de base (sticklac) comme la qualité de l’alcool employé pour obtenir le vernis jouent également de façon notoire sur le résultat final.
Difficulté du vernis au tampon
La phase la plus délicate reste quand même l’application du vernis au tampon. Chaque vernisseur garde jalousement sa méthode préférant tantôt huiler le bois pour raviver les couleurs, tantôt lustrer au « Nico-clair » la dernière couche…
Mais il y a tout de même un tronc commun auquel il faut se plier avant d’ajouter son petit secret : le ponçage, le remplis, et le vernissage.
Le ponçage est primordial. Le bois doit être soumis jusqu’au n° 320 (papier abrasif), puis lorsque le papier ne semble plus user la surface du bois, on procède au mouillage avec une éponge humide pour ôter la poussière des pores et relever les fibres, et le praticien reponce au n° 500 et recommence cette opération deux à trois fois de suite.
Il aura soin par contre de ne pas remouiller le dernier passage.
Avant que de passer à la phase suivante, certains ébénistes huilent les essences exotiques comme l’acajou. Ils se servent pour cela d’huile de lin, de vaseline ou d’œillette.
Le remplis est une opération qui consiste à boucher les pores du bois. Elle se réalise à l’aide de poudre de pierre ponce de trois granulométries différentes : 0, 00, 000.
La ponce, saupoudrée par quantité infime à la surface du bois, pénètre dans les pores, sous la pression d’un tampon chargé uniquement d’alcool à vernir.
Il existe encore à ce stade différentes écoles, dont l’une préconise l’adjonction d’un peu de vernis vers la fin du remplissage pour faciliter l’accrochage de la ponce.
Le remplis est terminé lorsque le bois est uniformément brillant.
Le vernissage au tampon requiert un tour de main bien précis et qui ne supporte pas l’amateurisme. La préparation du tampon, avec de la laine tricotée, de préférence blanche, recouvert de toile de lin, le tout formant un petit baluchon dense et serré, constitue déjà un obstacle sérieux.
Mais le plus difficile reste quand même l’application du vernis.
Le tampon est chargé par l’intérieur de gomme laque dissoute dans l’alcool pour faciliter la répartition du vernis et éviter ainsi les cordages.
Le vernisseur applique alors le tampon sur le bois en faisant des huit puis laisse le vernis tirer quelques jours avant de recommencer les passes. Un bon vernissage au tampon s’étale au minimum sur un mois.
Des artistes modernes comme Condé et Renonciat mettent en application cette méthode traditionnelle pour valoriser certaines de leurs œuvres.
Le premier ajoute du graphite en poudre dans le vernis pour imiter l’acier poli, le second imite des effets de matière comme la surface d’un ruban adhésif.
D’autres poussent leurs recherches vers les vernis colorés obtenant des glacis qui donnent au bois un aspect nouveau.
Les vernis synthétiques sont, à prix égal, de moindre qualité que les vernis naturels.
Ils s’appliquent facilement au pinceau ou au pistolet, sans remplis préalable et se lustrent au besoin.
Mais ils vieillissent mal dans l’ensemble ; ils jaunissent et sont difficiles à ôter, voire irréversibles.
Pour ces raisons ils ne sont guère utilisés dans l’art du bois à l’exception des pièces de plein air où les vernis synthétiques résistent mieux aux intempéries que les naturels.
Trois exemples de travaux contemporains
Bibliographie
Fabricant de vernis par A. Romain, Éd. Charles Moreau.
Les secrets du vernissage par J.-P. Coutrait, Éd. Charles Moreau.
Liants, vernis et adhésifs anciens par L. Masschelein-Kleiner, Éd. Institut Royal du Patrimoine Artistique, parc du Cinquantenaire, Bruxelles.
Sculptures sur bois, techniques traditionnelles et anciennes par Gilles Perrault, Éd. Vial.