Vrai ou Faux - L’expertise des objets d’arts et de collection. Mosaïque d’articles sur le dépistage des faux, réalisée par une trentaine de spécialistes de l’Union Française des Experts, unique en son genre, ce livre s’adresse aux néophytes, comme aux amateurs avertis. Il aborde des domaines aussi divers que les meubles, la céramique, les objets archéologiques, la peinture, les armes, le verre… montrant quels sont les indices permettant de déceler les faux et relatant l’histoire de faux célèbres. (L’Union Française des Experts – Editions L’Estampille / L’objet d’Art.)
Philippe Laurent et Gilles Perrault
Certains ont marouflé une gravure sur toile et peint dessus (photo ci-dessus). C’est un moyen très simple et de surcroît rapide pour obtenir avec précision la justesse d’une œuvre. Ce procédé est facilement décelable car, outre la présence plus ou moins visible du trait d’encre typographique sous-jacent à la couche picturale, le sujet est inversé : car le graveur, pour plus de fidélité ou simplement par facilité, exécutait sur son cuivre le tableau à l’endroit et bien sûr au tirage, tout s’inversait. De plus, pour un grand nombre de tableaux, on connaît le format de leurs gravures. Il faut être très vigilant lorsqu’un tableau qui devrait être du XVIIᵉ ou XVIIIᵉ siècle, est peint sur papier marouflé : car à cette époque ce genre d’œuvres n’étaient que des esquisses ou des études marouflées postérieurement sur toile. Le cas le plus représentatif est le fond d’études de Desportes pour la Manufacture de Sèvres. L’association “gravure-photo” offre d’autres avantages : le sujet peut être remis à l’endroit et reproduit dans une infinité de formats sans compter que l’on peut ne traiter qu’un détail, pour montage, pour une nouvelle œuvre. Là, le faussaire ne peut pas rester insensible à l’attrait de tels procédés !La photo d’une gravure, développée directement sur la préparation, en supprimant le papier — sur le plan de l’aspect d’un “vrai tableau”. Mais il y aura toujours une petite surface qui ne sera pas recouverte de peinture — surtout si le faussaire peint d’une manière large pour imiter une esquisse par exemple — et la transparence d’une couleur qui s’accroît en vieillissant trahira le “trait de gravure”. C’est ce qui permettra à l’expert de mettre le subterfuge en lumière.Je soulignerai que pour le peintre il n’y a pas obligatoirement volonté de “faire un faux”. Pour lui, ce peut être un moyen pratique d’obtenir un guide de dessin et un gain de temps précieux. Surtout si la technique est totalement différente de l’œuvre originale : un tableau finement exécuté à la manière d’une miniature à l’huile par exemple. La réduction du tableau célèbre dePrudhom “La Justice poursuivant le crime” est une excellente illustration de ces propos. L’examen au binoculaire (photos ci-dessous) montre que la photo d’une gravure a été développée directement sur une toile préparée à cet effet. Il a été réalisé à l’huile avec la dextérité d’un miniaturiste dans les détails, les expressions des figures, sont merveilleusement peintes.
Il faut avouer que pour arriver à ce rendu, il est nécessaire d’avoir de la pratique et du talent. Pas de signature, pas de monogramme, le tableau est reproduit dans toute sa vérité, sans transformation de détails, de couleurs, rien pour tromper, même pas la technique puisqu’elle est radicalement opposée à l’œuvre originale ! Seule la façon dont il sera négocié en fera véritablement un faux…