L’auteur traite ici des “Colles”, élément majeur de fabrication et de conservation dans les domaines de la dorure et de l’ébénisterie d’art ; il expose d’abord les vertus des colles anciennes – colle de peau de lapin (qui renaît), colle de poisson (essentiellement utilisée pour les marqueteries Boulle qui n’existe plus aujourd’hui), le succès éphémère ensuite des colles synthétiques (araldite standard, colle néoprène contact, colle vinylique), et termine en exposant qu’aujourd’hui la meilleure solution est la colle forte faite de fibres protéiniques extraites des os et des nerfs des bovins.
La revue Experts n° 09 – 09/1990 © Revue Experts
A travers la présentation des différentes colles utilisées en dorure et en ébénisterie, notamment celle de peau de lapin, est évoqué le drame auquel sont confrontés quotidiennement ébénistes d’art et doreurs : une dégradation de la qualité des produits de base telle, qu’elle empêche souvent d’effectuer un travail satisfaisant. L’étude qui suit s’imposait donc, non seulement parce que quand on aime un objet, on aime le connaître, l’observer, découvrir sa vie à travers sa fabrication, mais aussi parce que, si l’on n’y prend garde, les métiers d’art traditionnels qui ont fait le renom de la France disparaîtront dans l’indifférence générale.
L’artisan d’art et l’artiste qui œuvrent avec des matériaux traditionnels subissent sans cesse les avatars du monde moderne, où s’effrite jour après jour la qualité des produits vendus.
La gomme laque, par exemple, au fil des ans, n’est plus extraite avec le même soin et comporte de plus en plus d’impuretés. Les appellations restent inchangées, les produits de base également dans la grande majorité mais les modes d’extraction sont plus rapides, moins affinés. Souvent les agents conservateurs sont remplacés par des succédanés moins coûteux quand ils ne sont pas tout simplement supprimés.
Devant ce fait accompli, le restaurateur a bien du mal à y retrouver son latin. Même la colle forte (composée de colle de nerf additionnée de colle d’os) ne colle plus comme avant ! … Quant aux colles de poisson et de lapin, mêmes causes, mêmes effets ! …
Alors, que faire ? Laisser de côté les vieux grimoires et les recettes apprises au compte-gouttes après de longues années de pratique, pour tout recommencer avec des produits de synthèse ?…
Ou continuer, tête baissée, à n’utiliser que des produits traditionnels qui ont fait notre réputation, mais dont les mauvais résultats nous obligent à innover du soir au matin ?
En fait, aucune de ces deux solutions n’est constructive : la première, parce que nous ne pouvons bénéficier de l’expérience suffisante concernant le vieillissement des produits nouveaux ; la seconde, parce que le praticien avance à tâtons et risque de commettre des erreurs à son insu.
Il faut donc analyser, cas par cas, chaque échantillon, avec des habitués des produits d’avant-guerre et actuels, avec les fabricants et ne pas hésiter au besoin à faire appel aux chimistes des Instituts de Restauration Européens, comme l’IRPA, l’ICCROM, ou l’IFROA (1).
Les syndicats et associations professionnelles, dont la sauvegarde de la qualité des produits utilisés devrait être le principal souci, se dispersent trop souvent dans les querelles intestines et leurs horizons semblent parfois limités aux recouvrements des cotisations.
La section française de l’IIC (International Institute of Conservation), qui est une association mondiale, se propose de résoudre ce genre de problème, mais elle ne dispose pas suffisamment de fonds, donc de moyens et son action s’en trouve limitée.
(1) IRPA : Institut de Restauration du Patrimoine Artistique, parc du Cinquantenaire, Bruxelles, Belgique. ICCROM : 13, via di San Michele, Rome, Italie. IFROA : Institut Français de Restauration des Objets d’Art, rue Berbier-du-Metz, Paris. |
Pourquoi des colles animales ?
La peau, l’os, le nerf donnent du collagène utilisé pour les gélatines, cosmétiques ou alimentaires, ou pour la colle.
Les fibres protéiniques qui constituent une partie des os, des nerfs ou de la peau ont le pouvoir :
- combinées à l’eau chaude, de se dissocier,
-
additionnées d’eau, de former une gélatine souple lorsque la température descend en dessous de 20°C,
-
de s’accrocher par liaisons hydrogènes entre elles et aux corps organiques lorsque la molécule d’eau qui s’immisce entre chaque pontage disparaît soit par évaporation, soit par attirance moléculaire avec le support, comme dans le cas du bois ou par aspiration capillaire comme dans le cas des charges poreuses (craie, plâtre mort) qui constituent les apprêts de la dorure sur bois.
Une colle forte de moins en moins fiable.
Les fibres protéiniques d’os mélangées à celles de nerfs donnent une colle moyennement souple, très dure, voire cassante si la proportion d’os est trop importante. La “colle de Nevers”, dont la production est stoppée depuis plus de 30 ans, était la plus prisée des ébénistes. Livrée en plaques brunes d’environ 1 cm d’épaisseur, elle n’en était pas moins transparente comme le verre, ce qui était la preuve d’une préparation parfaite.
Aujourd’hui, le traditionnel bain-marie en cuivre mijote toujours dans un coin de l’atelier de l’ébéniste-restaurateur pour tenir la colle à la bonne température (60°C environ). Mais l’adhérence des collagènes est médiocre et le placage au marteau devient moins aisé. Le restaurateur est de moins en moins certain de la fiabilité de son travail et les mauvaises surprises ne manquent pas d’arriver au vernissage, ou quelques mois après, quand le meuble se stabilise hygrométriquement. S’il y a encore quelques années il était facile d’incriminer l’ébéniste lors d’apparition de cloques sous le placage, il est préférable aujourd’hui d’avoir un jugement beaucoup plus réservé.
Au vu de ces aléas, les fabricants de meubles n’utilisent plus que des colles synthétiques, plus sûres mais irréversibles.
La réversibilité en restauration.
Le problème de réversibilité en restauration est primordial puisque dans le principe, le restaurateur ne peut y déroger.
Dans ce cas précis, doit-il utiliser une mauvaise colle réversible ou une bonne colle irréversible ?…
Il risque moins d’ennuis dans l’immédiat dans le second cas mais, lorsque la colle vieillira et qu’elle sera devenue cassante, le placage risque de s’arracher par plaques et il faudra gratter jusqu’au fût pour exécuter la “restauration”. Alors que dans le premier cas il suffit de réchauffer le placage avec une pattemouille pour ramollir la colle forte et décoller délicatement les placages pour les restaurer ! …
Le problème reste donc la qualité des colles traditionnelles. Il faut donc essayer de reproduire à tout prix de bonnes colles protéiniques puisqu’elles sont actuellement les seules à être facilement réversibles et ce, même après plus de 200 ans ! La colle de peau de lapin est un exemple type.
DÉGÉNÉRESCENCE ET RENAISSANCE DE LA COLLE DE PEAU DE LAPIN
Depuis quelques années, la qualité de la colle de peau de lapin utilisée entre autres par les doreurs sur bois ne cesse de décroître. Les plaques vendues au mois de mai 1988 étaient si mauvaises que la situation était devenue catastrophique. La colle, préparée en gélatine, pourrissait le lendemain, le gros blanc ne pouvait être conservé plus de 2 jours et s’effritait en poudre fine une fois sec.
Ceci arrivait juste au moment où nous travaillions sur des moulures pour l’alcôve de la chambre de Louis XV, au Château de Versailles. Un travail qui ne souffre donc aucune faiblesse et dont la longévité doit être assurée pour plus de 100 ans.
Un seul fabricant en Europe
Il fallut trouver rapidement une solution. Je commençais par rechercher les coordonnées de tous les fabricants. Après de nombreux appels téléphoniques, je finis par découvrir qu’il n’en restait qu’un seul en Europe, et que tous ceux qui prétendaient avoir cette qualité n’étaient en fait que des revendeurs.
Il s’agit des Etablissements Georges Alquier, situés à une centaine de kilomètres de Toulouse, qui fabriquent, entre autres, cette colle de peau de lapin.
Il existait encore après la dernière guerre deux fabricants de colle de peau de lapin en France, la Maison Totin Frères et la Maison Chardin.
La visite à l’usine
La visite à l’usine s’imposait. Certains clients à l’odorat délicat se plaignent de l’odeur qui règne dans les ateliers où une plaque de colle chauffe au bain-marie… Je les imaginais ici, où plusieurs tonnes de peaux découpées en vermicelles subissent les assauts du soleil, des mouches et de la vermine : aucun mot ne peut expliquer cette odeur de pourriture et de décomposition ! …
Les Directeurs, Bernard et Michel Alquier, me firent visiter tous les secteurs de l’usine sans aucune dissimulation et m’avouèrent qu’ils envisageaient de stopper la fabrication de la colle de peau de lapin, le marché étant de plus en plus réduit. Les chiffres parlent eux-mêmes : de 165 tonnes en 1968, la production est tombée à 53 tonnes en 1987 ! … Cette chute impressionnante est redevable aux professionnels de l’ameublement moderne qui se sont tournés vers les produits de synthèse pour exécuter leurs laques, et aux plâtriers qui préfèrent la colle de peau atomisée extraite de peaux d’ovins et de bovins préalablement chaulées (production majeure des Etablissements Georges Alquier, le plâtre mélangé à la colle de peau s’enduit plus facilement, accroche mieux la peinture, devient plus dur et ralentit sa prise).
Préparation des peaux
Il est loin le temps où les ramasseurs de peaux parcouraient les campagnes pour fournir les fabricants de colle. Aujourd’hui les peaux arrivent à l’usine découpées en fins vermicelles, séparées mécaniquement des poils. Les fournisseurs ne sont plus que quelques usines spécialisées dans le recyclage des poils de lapin pour l’industrie textile. Les lapins proviennent d’élevages intensifs, parqués dans des cages et n’ont jamais ni mangé ni vu le moindre brin d’herbe. Il s’ensuit une dégénérescence de la colle que l’on remarque dès les années 1950.
Les vermicelles n’étant pas passés à la chaux, comme les peaux entières, pour être débarrassées des poils, la colle contient un pourcentage élevé de poils qui varie selon le soin apporté aux filtrages.
L’extraction de la gélatine
Les balles de vermicelles de peau sont placées successivement dans quatre grandes cuves remplies d’eau chaude, dont la température du bain débute dans la première à 60°C, pour finir à 80°C dans la dernière. Chaque cuisson dure une heure. Le “jus” issu de la première cuve est le plus chargé en collagène et, bien entendu, le meilleur. Les autres “jus” sont de plus en plus pauvres en collagène, et la température doit être augmentée pour les extraire, au risque de dénaturer les fibres.
Ces quatre “jus” sont ensuite réunis, filtrés au tamis et envoyés à un séchoir dessiccateur tombant, qui réduit la proportion d’eau de 50 % à 20 %. Cette gélatine est alors coulée dans des moules de 1 m x 2 m x 0,30 m d’épaisseur, pour former, en refroidissant, de grandes dalles de colle souple. Les dalles sont ensuite découpées en pavés puis en plaques. Il ne reste plus qu’à disposer ces plaques souples sur des châssis grillagés et à enfourner le tout dans le long couloir du séchoir final, à 36°C avec soufflerie, où elles prendront leur aspect définitif. Les plaques prises dans la surface et dans le fond de la dalle contiennent plus d’impuretés que les autres, et sont dirigées vers le broyage pour la fabrication de la colle de peau de lapin en poudre.
L’utilisation de la colle de peau de lapin en dorure sur bois
Les plaques sèches sont commercialisées, mais ne peuvent être utilisées sous cette forme. Elles doivent être diluées dans 90 % de volume d’eau chauffée à 60°C pour reformer une gélatine propre à l’emploi. Il va sans dire qu’aujourd’hui ce pourcentage est tout à fait aléatoire selon les arrivages de colle.
Certains doreurs, se plaignant récemment que la colle irritait l’intérieur de leur bouche lorsqu’ils y mettaient le blanc (1) en attente, le fabricant diminua de moitié l’adjonction de phénol. Cette réduction de l’agent conservateur modifia le temps de conservation de la colle sous sa forme gélatineuse (prête à l’emploi) de sorte qu’au bout d’une journée d’été, elle était bonne à jeter.
Mise au point et test d’une nouvelle colle de peau de lapin
Lors de ma visite, B. et M. Alquier m’ont assuré qu’ils étaient prêts à tenter d’élaborer une nouvelle colle aux qualités exceptionnelles. L’étude du produit, réalisée avec le concours de l’IDETH (2), montre qu’il était temps de mettre en relation le fabricant et les utilisateurs. Nous avons donc réalisé de nombreux tests sur des échantillons remontant parfois à plus de quarante ans. Ces tests parlent d’eux-mêmes (voir tableau).
(2) Institut d’Etudes Techniques et Historiques des objets d’Art, 11 rue Saint-Simon, Versailles |
Viscosité engler
10 % concentration |
Force en gelée
en BLUM |
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Colle CHARDIN vers 1983 |
1,9
|
380
|
Colle CHARDIN vers 1988 |
1,8
|
300
|
Nouvelle colle octobre 1988 |
2
|
400
|
LA FABRICATION DE LA COLLE DE PEAU DE LAPIN
Cette nouvelle colle est extraite en quatre distillations à 60°C, à partir de vermicelles sélectionnés. Les meilleures peaux à l’échelon industriel proviennent du Limousin, mais sont évidemment plus onéreuses que celles d’Espagne ou d’Amérique Latine, qui ne possèdent pas la même souplesse. Le filtrage est également amélioré à 50 microns pour conférer à cette nouvelle colle ses qualités, hier normales, maintenant exceptionnelles. Un soin particulier est apporté à chaque étape, comme l’écumage et la mise hors poussière de la gélatine. Chaque plaque est aujourd’hui poinçonnée pour éviter toute confusion ou fraude.
COLLE DE POISSON ET MARQUETERIE
Lorsque André-Charles Boulle développa la technique des meubles marquetés d’écaille de tortue, il se trouva confronté très rapidement aux problèmes de la conservation de ses oeuvres. Les provenances minérales et organiques ne lui simplifièrent pas la tâche : d’un côté le métal utilisé en filet ou silhouette, et de l’autre l’écaille de tortue, la corne de bovin, l’ivoire, l’os et le bois qui ne réagissent pas de la même façon aux variations thermiques et hygrométriques ambiantes.
Le bois par exemple se gonfle en présence d’humidité (humidité relative de l’air) et se rétracte en présence d’air sec. Le laiton ou l’étain utilisés en marqueterie se dilatent uniquement à la chaleur et se rétractent lorsque la température descend.
Une “marqueterie Boulle” placée dans un air chaud et sec travaille d’une manière contrariée : l’âme et les placages en bois se rétractent alors que la marqueterie en métal se dilate et sort au besoin de son emplacement.
L’élément absorbant du jeu de la marqueterie : la colle
La colle mise au point pour maintenir ces éléments instables doit non seulement les accrocher sur le support, au moyen des liaisons hydrogènes pour lier les matières organiques, mais aussi être très souple et assez épaisse pour faire office de film tampon et absorber une partie des variations dimensionnelles des différents éléments constitutifs en présence.
Le collagène semble être prédisposé à cette mission, mais tous les collagènes n’ayant pas les mêmes propriétés, une sélection s’impose. Le collagène extrait de la peau de lapin ou jadis du mouton, forme un film trop fin pour remplir cette mission. Celui extrait des os et des nerfs des bovins, utilisé encore en ébénisterie pour les placages en bois, forme un film suffisamment épais mais devient trop rigide et vite cassant.
Une matière première idéale mais qui, hélas, n’existe plus
Ce délicat problème fut en partie résolu (les fils et petits-fils de André-Charles Boulle restaurèrent continuellement les oeuvres de leur aïeul) par l’utilisation de la colle de poisson. Mais pas de n’importe quel poisson, ni de quelle partie du poisson. II s’agit de l’esturgeon, et plus précisément de la vessie natatoire.
La vessie natatoire de l’esturgeon est une membrane qui se dilate ou se rétracte en permanence pendant la vie du poisson. Les fibres protéiniques du collagène qui entrent dans sa constitution possèdent la particularité d’être excessivement souples. L’extraction de la colle se fait de la même manière que pour les autres colles protéiniques.
La colle de vessie natatoire forme un joint élastique qui ne durcit jamais complètement. Cette colle de poisson n’existe plus de nos jours et celle que nous trouvons dans le commerce est extraite des têtes, peaux et arêtes des poissons sans aucune sélection des espèces. Les éléments de base sont recueillis dans les usines de conserve et de surgelés. Il y a un énorme fossé entre la colle de poisson du XVIIIè siècle et la colle de poisson actuelle comme l’attestent leurs propriétés. La nouvelle colle ne peut plus convenir à la marqueterie Boulle et le restaurateur devra se tourner vers d’autres colles.
LE SUCCÈS ÉPHÉMÈRE DES COLLES SYNTHÉTIQUES
De nombreuses tentatives ont été entreprises depuis leur mise au point pour subvenir aux besoins des restaurateurs. Celles qui connurent le plus de succès furent l’araldite à prise lente, les colles Néoprène semi-contact et les colles vinyliques.
L’araldite standard
C’est une résine époxy à prise lente, à deux composants, qui forme un film pouvant être très épais et relativement souple. L’adhésion avec les métaux est très bonne grâce aux liaisons moléculaires, bonne avec le bois , grâce à l’accrochage mécanique dans les vaisseaux et les pores, moyenne avec l’écaille et la corne. Devant ce résultat assez satisfaisant l’araldite standard remporta un énorme succès jusqu’à ce que les premiers inconvénients apparaissent dix ans plus tard vers les années 1970.
L’humidité contenue en permanence dans le bois migre vers la surface lorsque l’air ambiant est asséché comme nous l’avons déjà vu. Ne pouvant traverser le film de la colle, elle se concentre contre la paroi de la colle et conduit parfois à une condensation en eau. Les moisissures se développent alors provoquant une dégradation interne qui se matérialise par une pourriture du bois.
La marqueterie liée à l’araldite se décolle de son support et le restaurateur devra ôter mécaniquement la résine. Ceci reste excessivement délicat et long, vu les épaisseurs en question. Le vieillissement de l’époxy pose également un problème puisque ses deux composantes sont souvent mélangées au jugé de par leur conditionnement. La colle n’atteint donc pas toujours ses qualités optimales et s’en trouve fragilisée.
L’irréversibilité de la résine époxy dans le bois pose également un problème. Comment restaurer, par exemple, un siège dont les assemblages ont été bourrés d’araldite ? La résine s’est dissociée du bois, l’assemblage prend du jeu et n’est plus fonctionnel. Mais la résine faisant bloc, l’assemblage ne peut être ouvert et risque de porter à faux et de casser.
Pour toutes ces raisons, cette résine époxy est bannie aujourd’hui de tous travaux de restauration.
Les colles Néoprène semi-contact
Elles forment des films très souples fins et peu accrocheurs sur les bois abîmés et fragilisés. Malgré de bons résultats dans l’immédiat, leur vieillissement rapide et leur irréversibilité les excluent également de tous travaux de restauration. Il n’en est pas de même dans l’industrie moderne où elles sont très en faveur, car les matériaux utilisés sont neufs, propres et les critères de longévité et de réversibilité bien différents.
La colle vinylique
La colle vinylique appelée communément en atelier “Colle blanche” est une émulsion d’acétate de polyvinyle dans de l’eau. Elle possède donc une apparence laiteuse, comme toutes les émulsions aqueuses.
Apparue au lendemain de la seconde guerre mondiale, on la trouve actuellement adaptée à divers temps de prise, pour coller le bois comme les textiles.
La colle vinylique destinée au bois se fixe moléculairement et mécaniquement sur le subjectile sans film. Le collage se fait sous pression pour éliminer la formation d’un film de colle qui gommerait et formerait une zone de faiblesse.
Les surfaces doivent être en contact, lisses et propres pour obtenir le rendement maximum. Cette colle est très répandue dans l’industrie de l’ameublement en bois. Mais en restauration, où les surfaces ne sont jamais parfaitement en contact et où la mise sous pression peut engendrer des dégradations, comme dans le cas de bois vermoulus, la colle blanche doit être utilisée avec prudence. Sa réversibilité, à l’eau, n’est pas évidente in situ.
LA MEILLEURE SOLUTION : LA COLLE FORTE
La colle forte des ébénistes se compose de fibres protéiniques extraites des os et des nerfs des bovins par un procédé analogue à celui de l’extraction de la colle de peau.
L’attention apportée à la préparation des plaques joue également un rôle primordial dans la qualité du produit fini. La qualité actuelle n’est plus ce qu’elle était il y a trente ans.
Les marqueteurs mélangeaient eux-mêmes la colle d’os à la colle de nerf pour obtenir le rendement optimum pour la marqueterie Boulle. Il semble que des résultats similaires à la colle de vessie natatoire d’esturgeon furent obtenus au XIXe siècle (en relevant les fréquences des interventions des restaurateurs). Quoique aujourd’hui la qualité de la colle forte laisse à désirer, elle apparaît tout de même comme la meilleure colle pour la marqueterie Boulle en remplacement de la colle de peau de poisson d’autrefois.
L’adhésion chimique qui est médiocre avec le métal est compensée par l’application d’un agent tensioactif comme l’ail et augmenté par un accrochage mécanique grâce aux nombreux sillons griffés dans la partie métallique de contact.
Deux choses m’ont frappé. La première, qu’il n’existe toujours pas de label de protection garantissant la stabilité et l’origine des composants dans les produits utilisés par les ébénistes, doreurs et restaurateurs d’art. La seconde, qu’aucun doreur ni institut n’avait pris le problème à sa source en contactant le fabricant.
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