Tous les certificats d’authenticité des objets d’art n’ont pas la même valeur : certains attribuent de façon incontestable et sont reconnus dans le monde entier, d’autres, réalisés par des experts généralistes ou des marchands, amateurs d’art ou ayants droits, requièrent souvent le contrôle de grands spécialistes. La profession d’expert en objet d’art n’étant pas réglementée, n’importe qui peut s’intituler expert et rédiger des certificats. L’auteur met l’accent sur ces aléas qui suscitent la plus grande prudence.
La revue Experts n° 53 – 12/2001 © Revue Experts
1. Des valeurs
1.1. La valeur d’un objet d’art
La valeur d’un objet d’art dépend de nombreux critères historiques, esthétiques, quantitatifs et qualitatifs. Ces critères doivent être certifiés par des autorités compétentes et reconnues dont la liste est longue. Il s’agit principalement des artistes auteurs de leurs œuvres, de leurs ayants droits, des experts judiciaires, des experts privés, des auteurs des catalogues raisonnés, des comités d’experts, des conservateurs des musées français, étrangers, des parents plus ou moins éloignés de l’artiste, etc.
Cette valeur financière est fluctuante selon, entre autres, la fiabilité du certificat qui accompagne l’objet.
1.2. La valeur d’un certificat
La valeur d’un certificat d’authenticité d’un objet d’art est souvent très subjective. Elle dépend en partie de la confiance qu’accorde la personne qui le lit à celle qui l’a rédigé. La délivrance du document peut être faite à la demande du propriétaire de l’objet, d’un marchand ou d’un acheteur.
Arrêtons-nous quelques instants sur cette notion de valeur d’un certificat. Il n’est nullement question d’argent bien évidemment dans le sens où son obtention a un coût plus ou moins élevé selon l’expert qui le délivre.
Écartons également, pour ne pas compliquer notre propos, les faux en écriture.
La valeur d’un certificat d’authenticité vient de la notoriété de la personne qui le rédige, lorsque cette dernière est reconnue au moment de la rédaction du certificat par tous les professionnels, comme la plus compétente pour ce sujet ou pour cet artiste. En effet, combien d’experts vieillissent ou rattrapés par des
erreurs d’appréciation, perdent leur autorité ?
Dans le domaine de l’art, où le doute et l’incertitude s’affrontent à la réalité économique du marché et des cotes, l’amateur d’art, qui s’est transformé depuis quelques décennies en investisseur, recherche constamment des garanties.
Le certificat en constitue la clé. Sans celui-ci, aucune porte ne peut fonctionner ; pas d’estimation, pas de transaction, pas de mouvement, pas de reconnaissance dans un catalogue raisonné de la valeur financière de l’œuvre qui s’étiole.
On saisit donc les angoisses et déconvenues qui surviennent lorsque «l’expert» ne fait plus autorité.
La vigilance constante qui s’impose est un travail de professionnel. Des annuaires rassemblent, depuis plusieurs années, tous les professionnels, experts et comités par artistes, spécialistes, etc. Ils sont trompeurs pour les non-initiés, car l’activité d’expert d’art n’étant pas réglementée (à l’exception des expertises judiciaires et d’assesseur près les commissions douanières), n’importe quel amateur s’autoproclame spécialiste et requiert son inscription dans ces annuaires, et parfois même le petit-fils ou le petit-neveu de l’expert la sollicite !
Le «professionnel» s’enquerra donc du meilleur spécialiste, faisant fi des rumeurs alimentées par des professionnels déchus ou jaloux de l’aura du maître en la matière.
2. L’expert généraliste
L’expert généraliste tient aujourd’hui le même rôle que l’agent de change. Il sécurise l’investissement de son client en trouvant la meilleure garantie du moment : le bon certificat d’authenticité. L’offre et la demande régulent ensuite la cote, ce dont personne ne peut être tenu pour responsable.
Un professionnel fournissant un certificat rédigé par un «expert» inconnu peut voir sa responsabilité recherchée. N’y a-t-il pas une erreur sur les qualités substantielles de la chose ? Ou au moins tromperie ? Mais, en droit, c’est de l’abus de confiance.
Les experts généralistes sont peu nombreux et cela va de soi, puisque l’expert doit être le spécialiste reconnu dans un domaine précis.
Sont considérés comme généralistes, les experts qui œuvrent dans les salles des ventes ; certaines spécialités, comme la céramique ou l’orfèvrerie, sont extrêmement vastes tant sur les siècles qu’à travers le monde pour les foyers de production.
Il existe également de forts bons généralistes qui permettent d’opérer un premier classement des tableaux et qui, en cas de doute sur l’auteur supposé découvert, les adressent au spécialiste de renommée mondiale. Avec l’expérience, ces généralistes n’hésitent pas à certifier leur avis, ce qui crée parfois des incidents lorsque le spécialiste ou l’héritier a une opinion contraire.
3. Le commissaire-priseur
Lors d’un héritage par exemple, Monsieur et Madame X qui n’ont aucune relation avec le monde des objets d’art se renseignent auprès de l’homme de confiance : le notaire. Ce dernier les adresse à son correspondant pour les objets meublants, le commissaire-priseur, qui se déplacera ou enverra un clerc afin de réaliser une estimation à valeur de prisée.
Le commissaire-priseur liste les objets et/ou œuvres d’art en les décrivant sommairement et en indiquant pour chacun ou chacune un prix qui correspond à une estimation basse dont il garantit le montant lors d’une vente aux enchères.
Une telle estimation ne peut pas être considérée comme une expertise malgré toute l’ambiguïté entretenue par le prestige de l’officier ministériel. Sauf exception, le commissaire-priseur est un généraliste qui ne peut à ce niveau déceler les faux habilement réalisés.
L’expertise réalisée «à valeur de remplacement» provient souvent d’un généraliste. Appelé à vérifier la valeur des objets meublants, il réalise une estimation rapide comprenant la description succincte de l’objet, sa valeur de rachat en boutique et éventuellement l’estimation d’une décote. Les montants sont donc beaucoup plus élevés que ceux qui sont basés sur ceux des salles des ventes, selon les tranches, ils varient de 200 à 40 % du prix d’adjudication.
Selon le but recherché, le demandeur peut aussi requérir du commissaire-priseur une estimation « à valeur de remplacement », ce qui devra être clairement précisé dans le document.
Vient le jour où des biens de valeur sont vendus. Des bronzes signés Rodin, Bourdelle et Barye, ainsi que les tableaux de Renoir, de Picasso et autres sont présentés au feu des enchères, dans une vente de prestige cataloguée, dont toutes les œuvres importantes sont reproduites en photographies. Le catalogue présente aux premières pages, la liste des experts spécialisés par époque ou sujet, ainsi que les lots à leur charge dont ils assurent l’authenticité et l’estimation. Le même expert présentera tous les bronzes du XIXe siècle, mais pour les bronzes de Rodin et de Bourdelle, il aura la prudence de les montrer auparavant aux conservateurs des musées du même nom pour obtenir leur avis écrit. Les avis positifs seront stipulés dans les légendes du catalogue, bien souvent même comme des certificats du musée, alors que ce ne sont que des avis sur consultation. Cette déviance très courante rassure l’acheteur et augmente le montant de l’adjudication.
Les œuvres de Barye, tombées depuis plus de cinquante ans dans le domaine public, ne sont plus contrôlées par les ayants droits. L’expert généraliste assurera, seul, leur authenticité en faisant état des ouvrages de référence dans lesquels figure le modèle. La légende de ces œuvres en bronze précisera alors «reproduit dans tel ouvrage et tel catalogue raisonné», «exemplaire reproduit dans telle exposition, …».
L’acheteur, non averti de ces pratiques usuelles, pensera que l’œuvre vendue a effectivement participé à l’exposition citée et figure en photographie dans les ouvrages, ce qui augmentera dans son esprit la valeur de l’œuvre et le sécurisera sur son authenticité.
Il faut hélas lire, tout comme sur les certificats délivrés par les mêmes auteurs, qu’il s’agit d’un modèle identique au bronze vendu, tiré à de multiples exemplaires, qui est reproduit dans ces livres et qu’un autre exemplaire a été exposé lors d’une exposition de prestige… Cela ne certifie en rien que l’œuvre présentée à la vente soit authentique et de grande valeur. En matière de bronze d’art, la cote varie également en fonction du tirage, unique ou multiple, de la date de réalisation du bronze, du fondeur, etc.
4. Des certificats
4.1. Les certificats des héritiers
Dans le domaine du bronze d’art, réservé aux amateurs éclairés, il convient également de faire la distinction entre la date de réalisation du modèle par l’artiste (1895) et la date du tirage posthume (1990), par exemple. Certains ayants droits n’hésitent pas, pour augmenter la confusion, à choisir la fonderie qui œuvrait déjà pour leurs ancêtres, afin que le même nom figure sur le cachet. Les amateurs se feront duper, seul l’expert pourra dater le cachet, les formes évoluant au cours des décennies.
Ces mêmes ayants droits établissent des certificats, qui accompagnent les œuvres qu’ils éditent, en omettant de préciser la date de la réalisation des fontes dans un dessein purement commercial.
Les fontes récentes sont plus facilement la proie des faussaires que les œuvres anciennes dont l’alliage, la patine et les coûts d’outils diffèrent de ceux de notre époque.
Revenons donc à la valeur du certificat d’un héritier, veuve, frère, voire petit-fils ou arrière-petit-neveu, toutes disciplines confondues. Si la veuve et le frère ont pu voir certaines œuvres et s’en souviennent, ils peuvent être abusés par d’habiles faussaires.
N’oublions pas que de grands artistes comme Picasso ont certifié, à la fin de leur vie, des œuvres de faussaires. Quant aux certificats réalisés par les petits-fils et les arrière-petits-neveux, même si ces derniers ont pris la peine de publier un ouvrage sur leur illustre ancêtre, leurs certificats d’authenticité restent très aléatoires.
4.2. Les certificats des experts spécialisés dont l’activité principale reste le négoce
L’expert spécialisé en objet d’art ne vit que très rarement de ses expertises ; il exerce une autre activité soit d’historien d’art, soit de marchand, soit de restaurateur.
Les marchands représentent 90 % des experts en Antiquités et objets d’art ; cela a comme avantage qu’ils voient passer entre leurs mains de nombreuses pièces et que leur connaissance visuelle est parfaitement entraînée, et comme inconvénient qu’ils peuvent subir des pressions des acteurs du marché.
Très souvent l’objet d’art vendu par un antiquaire est certifié par lui-même ou par un collègue. Presque tous les antiquaires de France sont inscrits à un syndicat d’expert en objets d’art. Tant qu’il n’y a pas de contestation sur l’objet, le certificat fait autorité. C’est, dans ce cas, un simple renouvellement de garantie par rapport à la facture où doivent figurer les mêmes mentions.
4.3. Les Certificats des experts de réputation mondiale
Les certificats de ces experts qui n’officient que pour des artistes précis sont les plus recherchés. Situés au sommet de la pyramide, les attestations de ces mandarins font preuve d’autorité pour les artistes comme Cézanne, Sisley, Corot, etc. On remarque que ce sont toujours de grands historiens d’art, auteur du catalogue raisonné de l’artiste.
4.4. Les certificats des comités
À la suite de nombreuses mises en cause accrues, les experts en objet d’art sont fréquemment appelés devant les tribunaux en responsabilité. La parade au risque de procès est de diviser la responsabilité en créant des comités d’experts par artistes. Certains sont réputés pour leur sérieux, d’autres pour leur fantaisie.
En dehors de la France, des musées parrainent certains comités connus comme le «Rembrandt Project Rechearch» qui, en une décennie, a réduit considérablement les attributions à Rembrandt. Sur notre territoire, les conservateurs de musées ne peuvent pas effectuer d’expertise pour le domaine privé, car les comités sont essentiellement privés, et régis par loi de 1901 sur les associations comme le comité Honoré Daumier.
Les certificats de ces comités supplantent les certificats issus d’un seul expert en cas de contestation. Ils sont donc aujourd’hui recherchés préalablement à toute transaction.
5. En conclusion
Le certificat d’authenticité qui fait autorité est réalisé par un expert dont les compétences sont reconnues par les professionnels du commerce, les conservateurs des musées et les grands collectionneurs privés.
Mais la concurrence est si âpre, l’on dénombre en France plus de 3 000 «experts» en Antiquité et objets d’art dans les différents guides spécialisés, que le dénigrement est l’activité principale des petits et des obscurs pour accéder au sommet de cette impitoyable pyramide.
Parfois ces descentes aux enfers sont justifiées, comme dans le cas bien connu de l’auteur d’un catalogue raisonné du frère de son amie qui refuse d’une façon trop systématique toutes les œuvres qui ne figurent pas dans son ouvrage.
Mais souvent ces comportements lapidaires sont le fait de vendeurs malhonnêtes, mécontents que l’expert ait vu leur supercherie.
Comment le particulier peut-il s’y retrouver ? Comment peut-il savoir que l’expert qui l’a conseillé, qui a édité le dernier catalogue raisonné, est supplanté par un nouvel expert ou comité d’experts qui édite un nouveau catalogue ?
En requérant l’avis d’un expert compétent ! Mais comment le découvrir dans cette grande confusion, non réglementée ?
En s’adressant à un expert qui a prêté serment, qui suit un code de déontologie stricte, affilié à un grand syndicat d’experts et/ou inscrit sur une liste de cour d’appel.