Après avoir indiqué que l’anticonformisme de Van Gogh, qu’il qualifie, à l’époque, d’auteur méconnu et aussi peu versé dans les manipulations commerciales, n’avait pas favorisé le plagiat, et que les faux réalisés de son vivant apparaissaient donc improbables, l’auteur cite les faux posthumes et le verdict des analyses scientifiques dont les résultats sont tous négatifs. Il en tire les conséquences et des conclusions fort personnelles.
La Revue Experts n° 17 – 12/1992 © Revue Experts
La légende prétend que Vincent Van Gogh n’a vendu qu’un seul tableau de son vivant. Les archives, constituées principalement des lettres envoyées à son frère Théo, nous renseignent très précisément sur certaines œuvres. L’artiste y décrit dans le détail sa vie et sa production. Mais lorsqu’il fut hébergé chez son frère à Paris en 1886, il interrompit cette correspondance. Ce vide ne facilite pas la tâche des historiens d’art. Il provoque encore de nombreuses controverses dans les attributions de cette période, bien que la description d’un tableau dans une lettre ou un inventaire ne constitue pas un certificat d’authenticité. Combien de faussaires bien renseignés ont usé de ce stratagème, en peinture comme dans le mobilier.
LES FAUX RÉALISÉS DU VIVANT DE L’ARTISTE
Il est peu vraisemblable qu’un faussaire se soit ingénié à copier une toile de Van Gogh qui passait plus, à l’époque, pour un illuminé que pour un génie. Qui, en effet, aurait plagié un auteur méconnu, anticonformiste, et aussi peu versé dans les manipulations commerciales ? Même si cela avait été le cas, un faussaire œuvrant du vivant de Van Gogh n’aurait pas pris le soin extrême de s’effacer. totalement devant le modèle sans commettre d’erreurs. Cela aurait requis trop de précautions fastidieuses pour réaliser un faux, le jeu n’ayant pas d’intérêt financier.
On peut, tout au plus, admettre qu’un de ses amis se soit un jour inspiré du Maître… Les faux réalisés du vivant de Van Gogh apparaissent donc improbables.
LES FAUX POSTHUMES
Les faux réalisés après la mort de l’artiste sont, par, contre, très nombreux. Distinguons d’emblée les faux anciens réalisés jusqu’à la guerre de 39/40, et les faux récents, plus élaborés, mais dont la pigmentation n’est pas identique à celle des peintures utilisées par le Maître.
Les faux anciens sont souvent réalisés sur des toiles vierges ou réutilisées datant de l’époque présumée. La couche picturale montre une patine naturelle presque identique à celle des tableaux originaux.
Des faux récents apparaissent périodiquement sur le marché. Leur provenance est diverse : greniers, brocantes, héritages, etc.
LE VERDICT DES ANALYSES SCIENTIFIQUES
Certaines attributions sont confortées par les analyses scientifiques lorsque les examens révèlent la présence de pigments qui ont tous été utilisés par Van Gogh. Devant ces découvertes troublantes, les propriétaires confiants dans la science envisagent une négociation avantageuse. Ils commencent rapidement à déchanter lorsqu’ils s’enquièrent du certificat d’authenticité. Ils découvrent alors, à leurs dépens, qu’il est impossible d’obtenir un certificat d’authenticité concernant une oeuvre de Van Gogh. La seule institution qui s’autorisait, voici encore quelques années ces certificats, a décidé de dissoudre son comité. Le Musée Van Gogh refuse même aujourd’hui d’examiner les tableaux présentés. Il les apprécie sur photographies, et renvoie les propriétaires avec leurs espoirs déçus.
Il est évident qu’avec de telles pratiques, les “Experts” ne risquent pas de se tromper. La Conservation du Musée Van Gogh pourrait, pour le moins, motiver sa décision sans appel, avec des arguments précis.
Or, tous les propriétaires de tableaux récemment découverts se sont heurtés au même obstacle. Dans certains cas, les Laboratoires de Police Judiciaire sont venus à leur secours, n’hésitant pas à prendre position. Ces experts scientifiques ont même affirmés que les oeuvres étaient du vivant de l’artiste, pour en conclure qu’elles étaient de l’artiste.
Quoique les instruments utilisés soient les mêmes qu’au Laboratoire du Louvre, il paraît étonnant que des fonctionnaires de la Police accourent au service des particuliers.
Quatre tableaux et six dessins sont donc actuellement en France en attente d’un certificat d’authenticité. Certaines analyses scientifiques réalisées à leur égard sont probantes, d’autres laissent perplexe*…
Ce n’est pas, par exemple, parce qu’un pigment relevé dans un tableau récemment découvert, est identique à ceux qu’utilisait l’auteur présumé, que la toile est du Maître. La déontologie des laboratoires requiert plus de rigueur, et moins d’enthousiasme. La science ne peut que constater ; elle ne doit pas se perdre dans des suppositions hasardeuses et dirigées.
Par contre les résultats négatifs tombent comme des couperets et stoppent toute illusion. La découverte d’un pigment typique du milieu du XXe siècle, prélevé dans une partie non restaurée, dans un tableau impressionniste balaie immédiatement tous les espoirs.
LES CONSÉQUENCES
Le refus systématique du Musée Van Gogh a plusieurs conséquences :
– La première est que le marché n’est pas alimenté de nouvelles découvertes, et que la cote du peintre reste très attractive.
– La seconde est que le personnel du Musée ne prend aucun risque d’être ridiculisé par un faussaire talentueux qui se dénoncerait quelques années après, pris d’un repentir médiatique.
– La troisième est que les attributions réalisées par le Comité Van Gogh ne peuvent plus être remises en question : l’œuvre complète du peintre est donc répertoriée.
– La quatrième, enfin, est que les propriétaires de tableaux attribuables à Van Gogh resteront encore longtemps dans l’attente d’un expert courageux qui osera affronter les sarcasmes et les foudres du Musée Hollandais.
EN CONCLUSION
Le musée ne pourra pas indéfiniment refuser de s’expliquer clairement, ou il perdra sa réputation sous les attaques médisantes et répétées de la presse et des propriétaires bafoués. Il devra bientôt se résoudre à argumenter ses prises de position négatives. La connaissance scientifique et historique de l’œuvre du Maître y gagnera.
* 80 % des objets confiés, tableaux, sculptures, meubles, apparaissent faux ou d’époque erronée (Données Laboratoire G. Perrault). Ces chiffres ne reflètent heureusement pas le marché de l’art car les objets soumis aux analyses sont toujours des objets “difficiles”.